6. Orbital Strike!

Vue de Oryn Beren a la poursuite de la Fraternité de l'Eveil

SAGES IN THE SHADOWS

Oryn Beren

2/20/20257 min read

Ce laboratoire est une prison sordide. Il a beau être équipé des meilleurs alambics et réactifs, les chaînes et les cellules ne mentent pas. Les captifs que nous venons de libérer ne sont autres que les mages et alchimistes disparus. Le sang de leurs bourreaux finit de sécher au sol, alors que les gros bras du nain éloignent les cadavres.

Je discute avec les rescapés, qui nous apprennent qu'ils étaient forcés de travailler à la création d'une copie d'artefact. Leurs tortionnaire principal, Marcellus Delacroix, les utilisait pour tenter de produire un faux reliquaire, certainement au profit de la Fraternité de l'Éveil. Lors de ses fréquentes visites, il a plusieurs été accompagné d'une elfe à la beauté impossible. Le confrère évoque aussi un nain en armure parmis leurs tourmenteurs, mais il évoque plus à Lumi qu'à moi. Mon confrère mage, Therys Morrokai, les a entendu parler d'une personnalité à la noirceur perdu dans les brumes de l'oubli, Xar the Unseen.

Ce nom me glace d'effroi, car je me souviens l'avoir lu dans le grimoire de Zorn. Avec mon collègue des arcanes, je consulte l'ouvrage, sous le regard méfiant de Lumi. J'avais raison: C'est un nom maudit, qui a été volontairement effacé de la mémoire collective. Celui d'un prince elfe déchu de son rang car trop ambitieux, ayant juré allégeance à Zorn pour se venger de son exil; un antipaladin, une liche. Il me paraît évident que la femme elfe et lui doivent être liés.

Profitant d'avoir enfin eu l'accord de mes compagnons d'ouvrir le tome de magie noire, j'explore de nouveaux secrets de la non-vie en compagnie de mon nouvel ami. Nous recopions quelques sorts fort intéressants. C'est grisant, mais je me rappelle à la raison avant que l'ombre ne dévore toute la lumière de la pièce. Avec regret, je referme le grimoire en un claquement.

Un portail similaire à celui que nous venons d'emprunter, bardé de nombreux leviers, se trouve au fond d'un court couloir. Nous nous reposons un bon moment avant de nous y intéresser de plus près. J'y pose une alarme magique, au cas où nos ennemis reviendraient. Nowy est inquiet de sécuriser les trois personnes que nous avons sauvées, et élabore des plans en ce sens. Mestre Morrokai, fort intéressé par mes recherches occultes, et surtout par le livre noir, insiste pour nous suivre. Je le comprends. Les deux autres, Briar Thornleaf et Lyra Stormweaver, attendront ici notre retour, reprenant leurs forces.

Nous passons le portail. Nous trouvons un petit hall d'entrée aux murs de bois richement décorés de peinture représentant d'autres mondes. Trois portes s'offrent à nous, chacune étant ostensiblement porteuse d'une magie qui m'est inconnue. Étudiant leur effet, je comprends qu'il s'agit de portails aléatoires. Une protection magique très coûteuse, ne laissant passer les voyageurs qu'à condition qu'ils sachent exactement où ils vont. Cela nous prend un certain temps, nos conjectures et suppositions ne menant nulle part, avant que Nowy décide que nous sommes en réalité chez Marcellus Delacroix.

Pensant au bureau dans lequel nous nous sommes introduits par effraction à plusieurs reprises déjà, il déjoue le piège. Nous nous retrouvons dans cette pièce mal protégée, une nouvelle fois. C'est comme si nous étions destinés à y trouver quelque chose, les tisseuses de Vraja nous forçant à y revenir, jour après jour. Une analyse magique rapide m'apprend que la seule différence avec notre dernière visite est une protection magique sur un tableau. Le piège magique évité, nous trouvons un coffre-fort d'une qualité hors du commun, doté d'un piège mortel de haut niveau. La raison nous pousserait en temps normal à nous raviser, mais la curiosité prend vite le pas sur la prudence. Nowy désamorce le traquenard, un dard couvert d'une substance mortelle. Il parvient même à ouvrir le verrou. La machinerie est un joyau de complexité, certainement obtenu à prix d'or auprès des plus grands serruriers nains. Je me demande même si le coffre ne représente pas une fortune plus grande que le manoir lui-même.

Quand la porte métallique pivote sur elle-même, je ressens immédiatement une aura magique d'une puissance impossible. J'ai un moment d'absence, le séant à terre. Les braises rougeoyantes du plan du feu crépitent dans une opale brute émanant une chaleur intense. La Fraternité de l'Éveil a donc bien réussi à se procurer ou à produire un des éléments du Reliquaire Nexuulien. Fascinant. Intrigué, et guidé principalement par mon instinct, j'envoie ma main spectrale l'ausculter. Celle-ci se désintègre au contact de la pierre.

La Braise de l'Aube (Ember of Dawn). C'est incroyable. Je vois en elle se mouvoir les élémentaires du feu, se disputer le pouvoir dans leur monde. L'artefact dégage une chaleur poignante, mais j'imagine la fournaise qui vit en son coeur. Il me le faut. Je dois savoir ce qu'il enferme. Au risque de périr dans les flammes de l'autre monde, je tend la main. Je m'attendais à avoir des visions des esprits du feu, des délires extraplanaires, voir des éternités sous la lave; mais rien ne se produit. La chaleur, que je craignait infernale, m'est en fait agréable. La réaction magique qui suivit, par contre, ne fut pas si douce.

Un "pingggg" magique retentit à l'infini, traversant les corps, les meubles, les murs. Toute la ville sait qu'un événement majeur vient de se produire. L'instant d'après, un choc violent venant du ciel secoue le manoir. Il fait soudainement chaud, très très chaud. Les murs de la pièce fondent, comme je m'y attendais quelques secondes plus tôt. Nous nous précipitons dans le passage secret, au travers de la bibliothèque du bureau de Delacroix. Dévalant quatre à quatre l'escalier, nous sentons des cloques apparaître sur notre peau. Nous atteignons tout juste la porte qui nous avait bloqué l'autre jour, qu'elle nous téléporte dans le hall en bois pourvu de téléporteurs. Nous n'avons pas le temps de nous poser de questions, aussi nous jetons-nous dans le portail nous menant vers le laboratoire où nous attendaient les deux rescapés. La folie ardente nous rattrapant, nous détalons à travers les galeries et les égouts, jusqu'à atteindre le mausolée, et donc le cimetière. Refaisant surface, nous sommes frappés d'une vision d'apocalypse.

Le quartier des nobles, que nous venons de quitter par la voie souterraine, est pris dans une fumée noire. Des navires volants patrouillent au-dessus de la ville, toutes voiles sorties. Un dôme magique a été placé, protégeant Ambria de frappes lumineuses répétées, venant du ciel. Nous sentons de nouveau le sol trembler lorsque l'une des ces lances stellaires nous arrive droit dessus. Elle est brisée par le bouclier arcanique, mais bientôt suivie par une prochaine salve.

Je panique et me demande comment me sortir de ce mauvais pas. Je suis clairement le nouvel ennemi numéro un, tant que je détiens l'artefact. Des images défilent devant mes yeux, mon intellect analysant à grande vitesse les données. Je m'arrête sur le visage de Dame Clarisse, ma nouvelle alliée. Elle saurait quoi faire. Aussitôt ai-je émis l'idée de me retrouver en sa présence que nous sommes tous instantanément projetés dans son bureau.

J'explique en toute hâte à l'alchimiste que nous sommes poursuivis et que nous avons besoin d'aide, d'une cache. Elle enquiert de ce pourquoi nous sommes en danger, et à l'évocation de la Braise de l'Aube, fait apparaître un portail dans lequel je saute. La trame magique du monde se déchire devant moi en rubans multidimensionnels, comme si la matière physique se détachait de l'astral. Les couleurs perdent leur teneur, l'espace d'un instant. Le haut et le bas se fondent et se confondent, l'énergie se comprime et s'étend. Je refais surface dans un endroit que je ne connais pas. L'azur des cieux a laissé place à un rose pâle sans fin. Je suis en apesanteur dans une bulle matte, légèrement translucide. Je ne peux mouvoir un orteil, mais je sens mon corps flotter au centre de la sphère.

Il y a du mouvement à l'extérieur. Plusieurs formes ailées s'ammassent près de ma coquille, autour d'une forme trappue. La petite forme gesticule un instant. Elle semble avoir une sorte de défiance envers les volatiles. Cela ne dure que quelques secondes, car ceux-ci lui fondent soudain dessus avec célérité. La forme trappue disparaît instantanément à leur contact, comme une bulle de savon. Les oiseaux s'envolent à nouveau, décrivant des cercles au-dessus de mon vaisseau. Ils n'ont le temps que de quelques révolutions, que je suis de nouveau aspiré dans le vortex entre les mondes. La réalité se reforme à nouveau autour de moi, brutalement. Je chois sur un sol métallique et froid. Une voix désincarnée résonne avec écho dans ma nouvelle prison. Je ne comprends que peu de choses à son discours dépourvu de sens.

Je me trouverais dans la grande Sphère Cristalline qui est souvent visible dans le ciel d'Ambria. Abrillion y est appellé par une succession codée de chiffres et de lettres, comme s'il en s'agissait que d'une terre parmi tant d'autres. Quelle idée!? Quelle idée saugrenue; mais fascinante aussi.

La voix artificielle m'accuse d'être en possession d'un objet n'appartenant pas à mon monde, et me somme de le restituer. J'exige en retour qu'on m'explique ce qui m'arrive et pourquoi je suis enfermé, mais la machinerie métallique n'a pas l'air d'avoir été conçue pour autre chose que les menaces. Je cherche à me repérer dans mon nouvel environnement, mais cela s'avère très compliqué. Par réflexe, et surtout sous le coup de la peur, je fais appel aux pouvoirs de Vraja; rien n'y fait.

Le tas de ferraille qui m'a englouti me défie de plus belle... Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire?