6. Orc's alchemists

J’ai l’impression de perdre peu à peu la notion du temps, ici à Ethan’s Folly. Les jours se suivent et se ressemblent. Une routine s’est installée : auberge, alcool de navet, des tentatives d’assassinat puis des morts violentes autour de moi.
Ambria , avec le lot de plaisirs dont tu regorges, avec ton joyeux capharnaüm de prêcheurs de rue, de filles de joie, de marchands ambulants, de gamins en haillons jouant dans les ruelles étroites…avec tes tavernes bruyantes, tes guildes légales et clandestines, et au milieu de tout cela cette recherche quotidienne du plus pur niveau d’hédonisme possible. Ambria tu me manques. Mais que Zeratul et Zirael m’en soient témoins, je jure de me retrouver dans tes bras accueillants très bientôt.

Ici l’ambiance est moribonde. Noala la ranger est décédée, sauvagement transpercée par deux projectiles, dont l’un logé dans son crâne pour s’assurer de son trépas. Je n’éprouvais pas d’attachement particulier à cette elfe. Mais elle faisait preuve d’une certaine ténacité à vouloir aider ce village perdu. Et surtout elle nous a sortis, Azlon, Nowy et moi-même d’un très mauvais pas lors d’une attaque surprise au cimetière. Elle a mis sa vie en danger pour nous aider, et cela force le respect.

La nouvelle de sa mort s’est vite répandue, une fois que nous avons ramené son corps au village. Elle était visiblement appréciée des locaux. Si Ethan’s Folly ne respirait pas la joie de vivre avant, c’est encore pire maintenant. On dirait qu’une malédiction plane en permanence sur ce coin perdu. Chaque personne s’impliquant à soutenir cette communauté semble avoir une espérance de vie limitée. Et avec ce nouveau décès, les villageois m’ont l’air complètement désemparés. Surtout Sir Loren dont le niveau d’enivrement atteint un nouveau sommet. La tentation est grande de le rejoindre. Mais Delma m’a demandé de performer l’ensevelissement de Noala au petit matin. Après une journée éreintante (mais qui fut utile pour me rapprocher du but, à savoir mettre la main sur celui ou celle qui m’a sournoisement attaqué quelques jours auparavant), je monte dans mes quartiers me reposer et préparer mes bénédictions pour faire face aux événements à venir.
Le lendemain, une vingtaine de villageois, mes compagnons et moi-même, nous nous rendons au cimetière pour un dernier hommage à Noala. Je ne connaissais pas ses croyances ou sa confession religieuse, mais j’ai performé une cérémonie dans le plus grand respect de sa personne, tout en priant les jumeaux pour son salut et celui d’Ethan’s Folly. D’ailleurs, je commencerai presque à ressentir de la compassion pour cet hameau. Des gens perdus et livrés à eux-mêmes mais qui affichent malgré cela une certaine résilience. Cela pourrait presque être inspirant. Je ne sais pas si je prends gout à l’aventure, mais je me sens bien entouré avec mes compagnons d’infortune. En essayant tant bien que mal d’assouvir ma vengeance, en assistant Sir Bota, Nowy, Azlon et les autres dans leur quêtes personnelles, tout cela bénéficie le village. Et je dois avouer que cela me procure des sensations presque agréables. Pas identique à une nuit passionnée en bonne compagnie certes, mais des sensations agréables tout de même….Mais passons, je m’égare.

De retour à l’auberge après l’enterrement, Delma offre une tournée pour le tout le monde- Enfin un verre bien mérité (même si ca reste du navet). A cette occasion, Tamli nous accoste pour nous remercier encore une fois pour notre aide. Elle révèle une petite coffre, qui semble fortement intéresser Nowy. Ses yeux globuleux et mesquins se sont écarquillés tout d’un coup. Tamli nous explique qu’il s’agissait des possessions les plus précieuses de Bort et qu’elle souhaite nous les offrir en gage de sa gratitude. Le coffre contient 6 anneaux absolument magnifiques. Je perçois des gouttes de bave au coin de la bouche de Nowy…Le plus beau des anneaux, en métal foncé et horné d’une sorte de tête de squelette avec des cornes, l’intéresse visiblement au plus haut point. Nous nous répartissons les anneaux entre nous, en espérant qu’ils puissent nous être utiles dans notre quête.
Nous devons nous rendre au deuxième site de contamination que nous avions localisés la veille. Mais avant cela, Sir Bota, Nowy et Azlon font quelques emplettes auprès du marchand afin de se préparer au mieux. De mon côté, je ne participe pas à cette frénésie mercantile. Si j’ai quelque peu douté de ma foi il y’a quelques jours, je ne la questionne plus. Les jumeaux m’ont affiché leur soutien ces derniers jours, en m’accordant sans relâche leur bénédiction. C’est tout ce dont j’ai besoin pour accomplir au mieux ma mission sans défaillir.

Nous nous mettons en route, pour un trajet qui promet d’être long, surtout que Nowy est ultra précautionneux. A l’inverse, Sir Bota, en bon orc qui se respecte, a l’air d’avoir peu de patience pour l’extra prudence. Quant à Azlon, je le connais maintenant suffisamment pour savoir qu’il agit en général avant de réfléchir. Personnellement, je me contente de suivre, tout en laissant à Nowy le soin de gérer la reconnaissance et de nous indiquer la direction à suivre. Après plusieurs heures à crapahuter dans la forêt et bien après le coucher du soleil, il suggère que nous recherchions un campement pour la nuit. Quand je disais qu’il était précautionneux…Je suis le seul du groupe à ne rien voir dans la nuit, mais j’enjoins mes camarades à continuer. Je sens que nous sommes proches du but, et malgré la fatigue du trajet, je souhaite vraiment en découdre ce soir. Sir Bota confirme ma suspicion précédente : lui aussi veut de l’action ce soir.

Nous continuons notre avancée et arrivons finalement à une clairière au milieu de laquelle se trouvent 4 monstruosités végétales. Nous avions déjà eu affaire la vielle à ces plantes ou lianes sortant de terre qui attaquent tout ce qui se trouve à portée. Nous élaborons donc un plan d’attaque et je prie Zirael de m’accorder de la lumière que je canalise dans mon symbole religieux, afin que je puisse bénéficier d’un certain champ de vision dans cette obscurité oppressante. De son côté Azlon utilise sa technique habituelle qui lui permet de déceler les faiblesses de son adversaire. Comme celles rencontrées la veille, elles sont vulnérables au feu. Il enduit alors son épée d’une huile spéciale qu’il enflamme. Sir Bota se met à charger en direction des plantes et opte pour une attaque à distance pour engager le combat. Azlon se saisit de son miroir et génère une copie de lui-même puis se met à asséner des coups d’épée enflammées qui sont d’une efficacité redoutable. La première plante se consume en quelques secondes. Il faut reconnaitre qu’Azlon ne manque pas de témérité ; mais son excès de courage est contrebalancé par une absence de perspicacité. En se positionnant lui et son miroir au milieu des plantes, il se trouve à la merci de 3 attaquants. Et quelques secondes plus tard, il est déjà en danger de mort. Vraiment les jours se suivent et se ressemblent...Je soigne alors Azlon tout en l’invitant (fortement) à être beaucoup plus prudent. Je ne suis pas un grand stratège, mais quelques plantes au milieu d’une clairière qui gardent l’entrée d’une sorte d’antre ou grotte cachée derrière une haie….tout indique que nous avons affaire à la piétaille pour débuter. De son côté Nowy fait son désormais célèbre rouler-bouler pour se retrouver au milieu des plantes, tandis que Sir Botan pare leurs attaque du mieux qu’il peut. Et Azlon a l’air d’avoir compris le message. Il se recule après chaque attaque ; finalement il comprend vite quand on lui explique longtemps. Quelques coups de dagues, de masses, d’épées enflammées, accompagnés de plusieurs lances divines et les plantes sont déjà presque un lointain souvenir.

Au terme de cette première escarmouche, Azlon est bien amoché. Je lui prodigue donc rapidement des soins médicaux. Nelphaëll, je ne saurai jamais assez te remercier de m’avoir non seulement initié au culte de Zirael et Zeratul, mais aussi de m’avoir enseigné tes vastes connaissances médicales. Qui aurait pu prévoir que quelques années plus tard, je me retrouverai à des kilomètres d’Ambria, en pleine nuit, à utiliser tes connaissances pour remettre sur pied un elfe thaumaturge suicidaire…

Une fois Azlon requinqué, nous passons par une sorte de porte coupée au travers de la haie et nous nous retrouvons dans une vaste pièce dans laquelle un drôle de spectacle se présente à nous : 2 orcs s’affairent à soigner ou nourrir, ce qui ressemble à un cheval de pierre et à un amas de rats glacial qui se trouvent dans leur enclos respectif. Les orcs ne nous ont pas remarqués, et l’un d’eux sort par un passage à gauche après avoir terminé avec les rats. Nous profitons de son départ pour nous préparer à engager le combat. Je prie Zeratul d’enchanter la masse de Sir Bota. Je ne sais pas encore quelle divinité il vénère, mais il m’a l’air d’être un compagnon très réceptif aux bénédictions célestes. A peine s’est-il avancé dans la grotte que l’orc restant dans la pièce sonne l’alarme. Le cheval de pierre se rue alors sur lui. En quelques secondes, la créature couvre la distance qui le séparait du champion et l’assène de puissants coups de sabots ; mais Sir Bota et son bouclier tiennent remarquablement bien le coup. Nowy de son côté reste en embuscade pour attaquer les rats, dont le dernier orc vient d’ouvrir la porte de l’enclos. Azlon quant à lui attaque sans relâche le cheval après avoir performé son habituelle préparation. Mais c’est Sir Bota qui effectue des prouesses martiales. Zeratul doit être avec lui dans ce combat. Sa bénédiction pulse sur la masse, avec laquelle Sir pulvérise littéralement le cheval de pierre en quelques coups.

Le deuxième orc revient quant à lui dans la pièce principale, et je ne perds pas de temps pour prier Zirael de m’octroyer son aide. Au moyen de son charme le plus puissant, je perturbe mentalement cet orc qui me croit désormais son ami. Je lui demande de s’en prendre donc à ses propres anciens compagnons. Le combat semble tourner en notre faveur quand un attaquant aussi vif que l’éclair se joint dans la bataille : une panthère enflammée fonce sur Sir Bota. Elle reste une ennemie, mais il faut reconnaitre qu’elle est absolument magnifique. Très dangereuse, mais splendide. Elle lacère le champion puis l’attaque avec ses crocs. Il a beau être résistant, il commence à perdre beaucoup de sang. Je m’apprête à le soigner quant Nowy porte un coup fatal aux rats qui explosent dans une gerbe de glace. Alliés comme ennemis subissent d’importants dégâts. Je dois donc procéder à quelques soins de fortune en priorité sur Azlon et Nowy. 2 nouveaux orcs font ensuite leur apparition, ainsi qu’une mystérieuse entité qui blesse Nowy au moyen d’une lame magique qui repart dans les mains de son propriétaire automatiquement. On pourrait presque croire que le combat prend un nouveau tournant au profit de nos adversaires. Mais mes compagnons et moi-même ne perdons pas espoir. Nous sommes résolus à vaincre et cette détermination et cette discipline se remarque dans la bataille. Azlon ne fait qu’une bouchée de la panthère en lui assénant des coups précis, touchant les points vitaux. Sir Botan et sa masse magique écrasent au propre comme au figuré leurs adversaires, et Nowy virevolte entre les deux orcs pour les lacérer. Même l’orc sous le charme de Zirael participe aussi à ce festival de coups. Nous tuons quasiment tous nos adversaires, quand soudainement deux bombes explosent au milieu de la salle. Sir Bota subit des dégats de feu, vascille puis perds connaissance ; l’orc charmé est aussi touché et succombe. Nowy et moi prenons quelques dégats de feu, mais surtout nous inhalons un gaz ou quelque chose de similaire qui nous rend confus. Seul Azlon reste insensible à toutes ces attaques (si je n’avais pas déjà été confus à ce moment-là, je l’aurai été en voyant cela). Il est focalisé sur la mystérieuse entité qui finalement fait son apparition. Il s’agit d’une splendide jeune femme qui a l’air d’être particulièrement à l’aise dans cet élément. Serait-ce enfin Vilree ? Elle sort de la caverne et Azlon se met à sa poursuite mais il s’arrête ensuite brusquement. Une sorte de sixième sens l’a fait stopper net : 2 pièges sous forme de bombes étaient disposés de chaque côté de la sortie.

Nowy et moi-même nous nous ‘battons’ dans un duel aussi ridicule qu’efficace pour retrouver nos esprits, il me chatouille avec sa dague et moi je lui envoie une claque au visage (non seulement je ne suis plus confus, mais cerise sur le gâteau j’ai éprouvé un léger plaisir faire cela).

Le combat est terminé. La mystérieuse jeune femme s’est enfuie, Azlon récupère prudemment les deux bombes, Nowy fouille les cadavres et je prodigue les premiers soins à Sir Bota. Une fois la tension redescendue, nous prenons conscience des exploits que nous venons de réaliser. Certes, nous n’avons pas encore terminé cette quête, mais nous avons tous progressé fortement et avons gagné en expérience, en assurance et aussi en termes de cohésion en combat. Les jumeaux semblent aussi s’en être aperçus – je ressens un changement profond en moi, une certaine maturité. Sans vraiment pouvoir mettre des mots sur ce ressenti, j’ai l’impression que tant Zirael que Zeratul m’ont octroyé de nouvelles faveurs afin de pouvoir encore mieux les servir dans ce bas monde.